Samuel, rabroué par sa proprio parce qu’il porte la kippa: “Vous dégagez de mauvaises énergies, même mon chien aboie!”

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La plainte pour antisémitisme contre sa propriétaire, à Bruxelles, d’un étudiant porteur de la kippa.

Il y aura bientôt quinze jours, Samuel se sentait soulagé. Finalement, l’étudiant parisien avait trouvé à se loger à Bruxelles. Samuel, 24 ans, étudie le droit à la Sorbonne. Cette année, ses études l’obligent à effectuer un stage dans une grande ville européenne. Samuel a choisi la capitale de l’Europe. Mais où loger? Le 10 octobre, le jeune homme avait enfin trouvé, avenue Albert, à Forest, une colocation.

La propriétaire lui proposait d’occuper une chambre de l’appartement, jusqu’à la fin de son stage le 31 décembre prochain.

Tout à son bonheur d’avoir enfin trouvé, Samuel s’installait chez elle, le soir même. Les choses s’emmanchaient bien, au départ du moins. Le soir, après sa journée, Samuel laissait apparaître que, dans l’intimité, il porte la kippa. «Sans ostentation aucune, nous précise-t-il. Je suis de confession juive et attentif à ne pas imposer mes convictions personnelles. Le soir, chez moi, je porte la kippa, tout simplement.»

À ce stade du récit, l’étudiant, que nous avons rencontré, tenait à préciser qu’il a versé le loyer de 900 euros, par virement, à la propriétaire, ainsi que la garantie locative. Nonobstant cela, tout a changé à partir du moment où la jeune femme l’a vu coiffer la kippa. «Elle m’a fait des difficultés pour me remettre les clés de l’immeuble et de l’appartement. Elle me laissait entrer mais c’est devenu compliqué.»

Samedi dernier, la propriétaire faisait connaître à Samuel que sa présence lui était insupportable.

Selon nos informations, l’affaire est devenue pénale. Dans le P.-V. de plainte pour discrimination, la police de la zone Midi note que selon l’étudiant, sa propriétaire aurait tenu les propos suivants: «Pas de prières chez moi. Pas de kippa. Sortez immédiatement de chez moi. Vous dégagez de mauvaises énergies qui font que même mon chien le ressent et aboie.»

Le verbalisant ne le précise pas mais Samuel affirme que le ton était «très agressif», «colérique».

Sous le choc, le jeune homme quittait l’appartement, emportant toutes ses affaires. Un rabbin acceptait de l’héberger pour la nuit, le rabbin Lasker.

Le lendemain dimanche, l’étudiant, toujours scandalisé et révolté par cette réaction, cherchait à revoir la jeune dame.

Le procès-verbal précise ses intentions: «Dans le but d’obtenir des explications concernant les propos qu’elle avait eus envers moi.»

La propriétaire n’a jamais ouvert ni répondu par téléphone. Samuel contactait alors la Ligue belge contre l’antisémitisme. Son président, Joël Rubinfeld: «Je suis allé sur place avec Samuel. À un moment, nous avons entrevu madame dans la rue. À notre vue, elle s’est enfuie et est retournée dans son immeuble.»

Puisqu’il est question d’un chien «ressentant les mauvaises ondes», précisons que le sien est un cocker appelé Nelson.

Dans sa plainte, Samuel ne demande rien (sinon le remboursement de la caution et du loyer au prorata). L’étu diant aimerait des explications. «Cette personne me semblait raisonnable. Pourquoi, tout d’un coup, a-t-elle sorti cette phrase de racisme? Qu’elle me le dise dans les yeux.»

Pour Joël Rubinfeld, «c’est la première fois que la Ligue est confrontée à un problème d’antisémitisme lié au logement. J’attends que la justice fasse son travail et, si les faits sont avérés, qu’elle sanctionne sévèrement cette personne, afin d’envoyer un message fort.»

Quand nous le rencontrons mardi, Samuel se cherchait un logement sur Bruxelles, et faute de trouver, pensait rentrer sur Paris. Sa propriétaire est injoignable. Samuel lui a adressé huit messages via WhatsApp. Elle a visiblement refusé de les recevoir en coupant sa connexion. La trentenaire ne lui répond pas non plus par téléphone. Nos appels, pourtant répétés depuis lundi, sont restés sans résultat.

GILBERT DUPONT

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